Les Bruits de Recife
O Som ao Redor
Fiche technique
Mon avis
Ce film brésilien vaut pour son tableau social et sa maîtrise formelle. Le réalisateur Kleber Mendonça Filho (dont c’est le premier long-métrage) orchestre habilement un récit choral, sonde le quotidien d’une classe moyenne pour en capter les désirs, les frustrations, les peurs, les obsessions sécuritaires. Il sonde aussi les rapports de forces entre cette population assez aisée et ses serviteurs (domestiques, surveillants…), mettant au jour une structure sociale qui se perpétue de génération en génération, des plantations de cannes à sucre aux îlots urbains. Derrière une apparente douceur de vivre, le réalisateur réussit très bien à distiller des sentiments troubles et vaguement inquiétants : gentillesse condescendante, cruauté feutrée, jusqu’à la rancœur vengeresse. Une angoisse sourde et une tension latente traversent ce film réaliste aux petites touches fantastiques (l’apparition d’un gamin sur les toits et dans les arbres, le rêve d’invasion de la petite fille…). Cette angoisse et cette tension, qui mettent les personnages sur les nerfs, sont exprimées symboliquement par un beau travail sur le son (amplifications des bruits agressifs du quotidien, petits effets stridents) et sur l’espace (la verticalité des immeubles, les barreaux aux portes, etc.). Kleber Mendonça Filho voulait que son film soit comme un soap opera filmé par John Carpenter. Et c’est plutôt réussi. Voilà qui lui permet, entre chronique et mini thriller, de capter un profond malaise social, une violence prête à exploser. Mais il aurait pu davantage condenser son récit et donner plus de rythme à l’ensemble. Languissant, le film se répète un peu dans l’expression de son intention et, à l’inverse, ne développe peut-être pas assez l’élément dramatique introduit au final. Il n’en témoigne pas moins d’une intelligence et d’une sensibilité intéressantes.
Frédéric Viaux (film vu le 14/03/2014)