Mauvais Sang
Mauvais Sang
Fiche technique
Mon avis
Après Boy Meets Girl (son premier long-métrage), Leos Carax confirmait son originalité et son talent avec ce film unique, situé au carrefour improbable d’influences diverses : Rimbaud (dans le titre et dans quelques dialogues), Cocteau (qui « n’est pas mort »), Hergé et son Étoile mystérieuse, Hugo Pratt (qui tient dans le film un petit rôle de gorille), David Bowie et son Modern Love (pour une formidable course folle), Prokofiev et son lyrisme classique, Chaplin pour les références au muet et au burlesque, Godard pour la liberté de ton, le film noir pour ses gangsters, ses femmes inaccessibles, ses mauvais destins… Avec tout cela, Carax brode une fiction à sa façon, erratique et poétique, à la fois irréaliste et inscrite dans son temps (via l’évocation du sida, dont il propose toutefois une interprétation critiquable…). Il joue au jeu de la vie et de la mort, de l’amour et du désir, en ouvrant le champ d’un nouveau romantisme noir et en faisant preuve d’une nouvelle inspiration esthétique : mise en scène singulièrement chorégraphiée, cadrages très graphiques et parfois renversants, multiples variations de lumières et de focales, utilisation de couleurs récurrentes (le rouge et le bleu dans des décors noirs et gris décadents)… Il y a peut-être trop d’artifices stylistiques, un certain maniérisme visuel et verbal qui a tendance à anesthésier l’émotion. Mais une telle créativité laisse assez admiratif, d’autant qu’elle est encore « canalisée ». On peut largement préférer ce Leos Carax « première période » (dans une filmo qui va jusqu’aux Amants du pont Neuf, son film suivant) au Leos Carx d’après, plus ou moins égaré dans des trips confus voire abscons (Pola X, Holy Motors).
Mauvais Sang a par ailleurs confirmé le talent de jeunes acteurs de l’époque, qui s’imposeront par la suite : Denis Lavant, ici dans le rôle d’un ténébreux ventriloque et déjà de l’aventure de Boy Meets Girl ; Juliette Binoche, vue précédemment dans Rendez-vous de Téchiné ; et Julie Delpy, aperçue dans Détective de Godard.
Prix Louis-Delluc 1986.
Frédéric Viaux (film vu le 15/09/2014)