Pulp Fiction
Pulp Fiction
Fiche technique
Mon avis
Après un premier coup d’essai aux effets de petite bombe (Reservoir Dogs, 1992), Quentin Tarantino remettait le couvert deux ans plus tard avec Pulp Fiction pour revisiter, de façon encore plus détonante, la mythologie du film noir. Des gangsters, des tueurs à gages, des braqueurs, des poules de luxe, des boxeurs has been en plein revival… on en connaissait un bon nombre. Mais ceux-là, avec leurs noms qui claquent superbement, explosent les archétypes grâce à un souffle nouveau, qui crée au final un genre nouveau, joyeusement oxymorique : le film noir burlesque. Tarantino s’inspire des pulp fictions, ces polars papier bon marché, et de ses propres références cinéphiliques pour faire parler la poudre et jaillir l’hémoglobine, en déréalisant la noirceur et la violence du récit par un humour certes trash, mais particulièrement jubilatoire. Une drôlerie absurde, qui passe par un comique de situation sidérant (le flingage malencontreux du pauvre Marvin dans la voiture et le nettoyage qui s’en suit ; le kidnapping de Marsellus et de Butch qui se retrouvent ligotés et bâillonnés dans un mauvais trip SM…). Une drôlerie qui passe aussi, et surtout, par une verve incroyable, une tchatche déroutante et insatiable. Un personnage du film dit : « Y a pas plus pipelettes que les malfrats. » Belle illustration avec des discussions à bâtons rompus sur tout et n’importe quoi, dans les situations les plus improbables. Parmi les plus savoureuses : un topo sur la restauration rapide aux États-Unis et en Europe, suivie d’un débat sur les massages de pieds et les éventuelles représailles qu’ils peuvent engendrer ; l’indécence d’un milk-shake à 5 dollars ; le sens des silences gênés ; la possibilité d’une intervention divine dans les gunfights… Sans oublier quelques citations bibliques et l’histoire d’une montre transmise, de manière « douloureusement intime », de père en fils. Pulp Fiction est un film bavard à mort et à mourir de rire. C’est aussi un formidable entrelacement de scènes et d’allées et venues dans la chronologie. La liberté de ton va de pair avec une liberté de narration, fragmentée, qui est à la fois parfaitement structurée (une boucle bouclée) et totalement imprévisible. Tarantino perfectionne ce qu’il avait déjà expérimenté dans Reservoir Dogs. Le résultat est assez virtuose. Une virtuosité de farceur hyper doué. Un panache potache permanent. Pulp Fiction, c’est également une BO géniale, euphorisante, d’une « coolitude » absolue. L’une des meilleures de tous les temps. C’est enfin le film du come-back pour John Travolta, tout en contre-emploi et en autodérision, notamment lors de la fameuse scène de danse avec Uma Thurman, qui apparaît comme un amusant détournement de La Fièvre du samedi soir.
Palme d’or au festival de Cannes 1994. Oscar du meilleur scénario original en 1995.
Frédéric Viaux (film vu le 24/11/1994, revu le 22/01/2015)
Personnellement, je trouve Pulp Fiction moins bien construit que Reservoir Dogs, mais ça reste de toute évidence un polar jouissif et décalé, aux dialogues percutants et souvent drôles, à l’univers extravagant, à l’ultraviolence tempérée d’une bonne dose d’humour noir, avec des séquences inoubliables, des plans bien travaillés et des chansons toujours impeccables, collant parfaitement aux images. Ce film confirme donc le talent inventif d’un cinéaste original et cinéphage, en marquant le grand retour de John Travolta (au milieu d’un casting exceptionnel) qui sortait d’une traversée du désert, mais dans un rôle à l’opposé de son registre habituel.