Underground
Underground
Fiche technique
Mon avis
On quitte le film assez fatigué, l’esprit un peu confus, avec l’impression d’avoir assisté à un spectacle ambitieux, riche et original, traversé de fulgurances géniales, mais par ailleurs très long, parfois soûlant, pas toujours du meilleur goût ni toujours lisible dans ses perspectives allégoriques.
Underground, c’est le tableau vivant, très vivant, de cinquante ans d’histoire yougoslave, où il est question d’une certaine folie festive au son d’une fanfare infatigable, d’un esprit de résistance au fascisme, d’un opportunisme amoureux, économique et politique, de petits arrangements avec les vérités de l’histoire et de grandes manipulations idéologiques, de la réalité et de la fiction, d’une folie guerrière qui se renouvelle constamment… Tout cela prend la forme d’une fable totalement baroque, d’une farce tragicomique, aux accents hystériques. Emir Kusturica joue à fond la carte du burlesque pour unir dans un même chaos les pulsions de vie et les pulsions de mort, les grandeurs et les horreurs d’une certaine « âme » yougoslave. Il y a là un souffle et une inventivité incontestables, sur le fond comme sur la forme. Mais si l’on comprend et apprécie la métaphore de la cave (le communisme est comme une cave où l’on maintient les gens dans l’ignorance du monde extérieur), d’autres épisodes laissent perplexes. Si l’on admire globalement la mise en scène, virevoltante, poétique et saisissante, dans des décors très soignés et avec des embardées surréalistes souvent superbes, on se fatigue aussi d’effets répétitifs, d’un rythme frénétique et d’un accompagnement musical aussi tonitruant qu’envahissant. De même, si l’on peut s’amuser du jeu outrancier des acteurs, on peut aussi s’en lasser (et noter au passage que leurs évolutions physiques, au fil du temps, n’ont pas été très bien gérées). Bref, quelques pauses régulières dans cette exubérance et cette effervescence, mais aussi un peu plus d’attention portée à la cohérence auraient probablement rendu le récit plus agréable, plus abouti et pas moins impactant.
Voilà donc un film qui ne ressemble à rien d’autre : ample, survolté, foutraque, formidable, pénible, brillant, nébuleux, pertinent, douteux. Difficile de savoir sur quel pied danser avec Kusturica, mais le résultat imprime quand même fortement la mémoire.
Musique : Goran Bregovic.
Frédéric Viaux (film vu le 01/11/1995, revu le 04/03/2024)