Le Charme discret de la bourgeoisie
Le Charme discret de la bourgeoisie
Fiche technique
Mon avis
C’est le bréviaire surréaliste et anarchiste de la critique de la bourgeoisie au cinéma. D’une liberté absolue, d’une audace folle. Totalement déroutant et pas toujours saisissable. Luis Buñuel (accompagné au scénario par Jean-Claude Carrière) opte pour une forme de radicalité narrative qui a ses fulgurances géniales et ses écueils. Pas de psychologie, pas de sociologie, pas de vraisemblance, pas de frontière nette entre rêve et réalité. Les personnages sont sans consistance, simples pantins ridicules, manipulés dans le cadre d’une satire caustique voire féroce des conventions et mœurs bourgeoises. Pas de progression dramatique classique, mais une suite d’épisodes qui répondent à différentes formules : répétitions (le rituel du dîner mondain), récits à tiroirs… L’anarchie de la narration vient déstructurer un ordre social qui existe sans fondement véritable. Et le surréalisme vient mettre à nu par l’absurde des codes sociaux qui ne sont que vanité et vacuité, représentation et hypocrisie. Et qui cachent bien des petitesses. Cette mise à nu donne des scènes mémorables (notamment celle où les bourgeois se retrouvent sur une scène de théâtre) mais tourne aussi parfois au jeu de massacre gratuit. Quant à l’intrusion de récits de rêves, elle est d’un impact certain, souvent sidérant de violence, mais renforce aussi le côté décousu et fourre-tout du film. Cela dit, l’ensemble demeure absolument cohérent dans la filmographie du réalisateur, plus précisément dans le sillage artistique et thématique de L’Âge d’or et de L’Ange exterminateur.
Oscar 1973 du meilleur film en langue étrangère.
Frédéric Viaux (film vu le 17/08/1995, revu le 27/09/2021)