Le Dernier Duel
The Last Duel
Fiche technique
Mon avis
Ce film trouve bien sa place dans la carrière de Ridley Scott : en écho à son premier long-métrage, Les Duellistes, pour le motif du duel ; dans le sillon médiéval de Robin des Bois ; et dans une série de portraits de femmes fortes, depuis celui de Ripley dans Alien, en passant par ceux de Thelma et Louise, ou encore celui de Marianne, la compagne de Robin des Bois. C’est même probablement le plus féministe des films du réalisateur, centré sur les notions de viol et de consentement, qui trouvent évidemment des résonnances actuelles. Sous ses faux airs de film d’action viril, Le Dernier Duel est en fait un vrai drame social sur la place de la femme dans un contexte de domination masculine, femme-objet servant soit à assurer la descendance, soit à assouvir désirs et pulsions. Le personnage de dame Marguerite, ici, fait entendre une voix qui rompt avec une culture silencieuse du viol et cherche à faire entendre justice, même s’il faut pour cela s’en remettre au caractère aléatoire d’un combat de coqs en armures, traduction terrestre d’un jugement soi-disant divin. Ce drame social se structure “à la Rashômon”, c’est-à-dire en trois versions des mêmes faits selon trois points de vue différents (ceux des personnages principaux). Là est la principale qualité du film : dans les variations entre ces versions, dans les subtilités, dans les nuances, que ce soit en termes de récit ou d’interprétation. Il faut souligner la finesse de scénario (auquel ont contribué notamment Matt Damon et Ben Affleck) et la finesse des acteurs. Ces trois volets narratifs font oublier le début de l’histoire – un peu brouillon sur le plan politique, un peu bizarre dans la coexistence de dialogues en anglais et de chants en français – et sa fin, attendue. Dans cette introduction et cette conclusion, Ridley Scott fait parler le métier, pour la forme, de manière tranchante et saignante. Mais on retiendra surtout, esthétiquement, la belle opposition entre des extérieurs d’une froideur d’hiver et d’acier (notamment de saisissants tableaux du Paris médiéval autour de Notre-Dame en construction), et des intérieurs joliment éclairés au feu de cheminée ou à la bougie. Au final, l’intelligence du dispositif narratif et la maîtrise formelle classique l’emportent sur l’émotion mais convainquent pleinement.
Frédéric Viaux (film vu le 19/10/2021)